Deux ans après la fermeture de leur usine, la pièce 501 BLUES des filles de chez Levi’s est un triomphe. Bruno Lajara, un metteur en scène parisien, touché par l’aventure des filles de chez Levi’s, a décidé de monter une pièce de théâtre à partir de leur expérience. A la suite d’un atelier d’écriture dirigé par Christophe Martin, au cours duquel elles ont rédigé les dialogues du futur spectacle, il en a retenu cinq. Elles ont joué sur scène à La Bassée et partent en tournée dans la région. C’est leur première expérience du genre, et toutes l’ont vécu comme une sorte de catharsis.
Mise en scène, Bruno Lajara / Texte, Christophe Martin d’après les textes des Mains Bleues / Musique, Christophe Demarthe / Chorégraphie, Damiano Foà et Laura Simi / Lumière, Pierre-Yves Toulot / Son, Mathieu Farnarier / Vidéo, Vincent Tirmarche / Scénographie, Vincent Amiel assisté de Régis Mayot / Régie générale, Florence Bourguignon. Avec Dominique Boulert, Thérèse Flouquet, Patricia Hugot, Brigitte Nowak, Catherine Routier. Coproduction VIESAVIES / Culture Commune, scène nationale de Loos-en-Gohelle. 2001
NOTE DU COMPOSITEUR. Ainsi ai-je rencontré les ex-ouvrières de Levi’s, les dinosaures comme elles s’appellent elles-mêmes, dernières victimes de l’ère industrielle. La révolution industrielle a été une période fantastique de notre histoire où des hommes ont eu l’idée magnifique de faire travailler d’autres hommes et femmes comme des mules. Aujourd’hui ces mules sont bonnes pour l’abattoir puisque, après trente ans passés à accomplir toujours le même geste, elles ne savent rien faire d’autre et qu’il n’y a plus de travail dans la confection : « Mais vous avez toutes le même CV ! Comment voulez-vous retrouver du travail ? »
Au musicien que je suis elles ont raconté le bruit des machines. Ce bruit insoutenable, comme il leur manque ! Même mettre les boules Quiès dans les oreilles, cela leur manque. Pour plaisanter, je leur ai dit que j’irai enregistrer ce même bruit dans une usine en activité et leur ferai une copie CD pour écouter à la maison. Je crois qu’on a bien fait d’essayer d’en rire. Cette bande son inévitable et douloureuse de toutes ces années de travail me semble le point de départ évident de mon travail musical. Le bruit des machines rythmant la chorégraphie des gestes cent mille fois répétés s’impose de fait. Mais je n’ai pas envie de ne donner à entendre que cela. Parce que lorsque les femmes nous content, par exemple, la venue à l’usine de La Bassée, trois mois avant sa fermeture, du PDG de Levi’s, vêtu du maillot (cousu sur mesure) du football club de Lens, c’est une autre musique qu’on entend, grinçante certes mais sous des allures de fête. Ce que j’espère parvenir à composer en somme, c’est un écrin pour ces paroles si denses, si graves, délivrées de façon si spontanée et digne, un écrin pour, à l’aide de l’image et des corps, amener un peu à la lumière des vies qu’on voudrait déjà mortes. | Christophe Demarthe